Histoire de la création de La Valise Indigo

Tout a commencé en 2018 à la lecture du livre Livres animés : entre papier et écran de Gaëlle Pelachaud. Les pinceaux étaient au placard depuis quelques années, je travaillais beaucoup à cette période, peut-être beaucoup trop. Et je me suis plongée dans ce livre qui traitait du livre pop-up… ces fameux livres à systèmes, qui s’ouvrent et se déploient pour offrir des surprises aux curieux. Quand soudainement, je me suis arrêtée sur cette photographie.


Cette photographie m’a fasciné. Un lien direct entre l’espace du jeu, une dramaturgie épurée, le papier tout en fragilité, un cadrage comme un tableau découpé sur un fond noir. Je ne connaissais pas ce type de théâtre, je n’en avais jamais entendu parler. C’était la découverte du PapierThéâtre, compagnie fondée par Yves Lecucq et Narguess Majd.

Alors ça serait trop facile de vous dire “alors voilà, j’ai voulu faire du théâtre de papier et le reste a suivi…”. Non, la réalité, c’est qu’à cette époque, les pinceaux étaient réellement bien bloqués au placard. Je n’avais pas la moindre connaissance du monde de la marionnette et pas la moindre idée de juste.. par quoi commencer ? Comment apprendre ? Comment se former ? Quel fil fallait-il tirer pour ne serait-ce que débuter ?

Parallèlement, voulant travailler pour et avec les enfants, j’ai commencé des missions freelance pour l’association du Panda Roux, une association d’une grande richesse, tournée toute entière vers la création pour les enfants, en utilisant comme vecteur principal : l’album illustré. Le livre et ses possibilités de narration, d’imaginaire, de dialogue et de fenêtre sur le monde. Sarah Piazzo qui la dirige, m’a apporté de précieux conseils. Les ateliers en tout genre se sont enchaînés, pour apprendre à poser un cadre, mettre en place un rythme, interagir aussi bien avec les enfants que les adultes présents et puis…disons le, s’adapter à tout type de situation. Des plus sympathiques aux plus galères, comme ce marché de noël où mon atelier s’est rapidement transformé en garderie géante, les parents buvant leur bière un peu plus loin (petite voix dans ma tête : “je me fais avoir où c’est moi ?!”)… Mais surtout, des moments partagés, des sourires, des élans créatifs, et des enfants qui sont fiers de ce qu’ils ont réussi à produire pendant l’atelier. Une vraie découverte pour moi.

Cahin, caha, une première ébauche de L’arbre à souvenirs est née. Des tests de décors, de personnages, des ratures, des personnages qui arrivent et qui repartent. 

Et puis une toute première valise, d’une couleur indigo. De cette chaude couleur d’entre-deux nuit.

Très vite, beaucoup de questionnements s’accumulent. La médiation seule est un peu fragile économiquement. Comment se créer un modèle économique avec cette activité ? Des questions qui s’empilent sur le matériel, la logistique, l’administratif, le démarchage….

Et puis, je ne voyais pas très bien comment animer mes petits personnages de papier. Le manque de formation se posait également. Mais je n’avais ni l’âge, ni les moyens pour me relancer dans tout un cursus d’étude, de formation longue, ou d’école artistique. 

Arrêt sur image, j’ai l’impression que le train est passé, que j’aurais peut-être loupé le coche après tout. 

Et puis quelque part, ce projet est devenu une sorte d’obsession. Il tournait en boucle dans ma tête comme un petit vélo.. Je voulais juste qu’il vive, que l’histoire de l’arbre à souvenirs puisse se développer et qu’elle trouve de petites oreilles et de grands yeux pour l’accueillir et la transformer.

Pour que le projet vive,  il fallait que je trouve le moyen d’apprendre. 

Un jour, ma sœur a dit : “quand la porte est fermée, moi je passe par la fenêtre”. Donc plutôt qu’un grand portail, j’ai cherché une lucarne par laquelle me faufiler.

Comme je ne pouvais pas faire d’école, je me suis dit que cela passerait forcément par la recherche d’un travail dans le secteur des arts vivants. Une annonce pour un remplacement au Théâtre du Mouffetard, et voilà que je passe la porte d’un tout autre univers. Ce secteur si mystérieux des arts de la marionnette. 

Le lieu vit du matin au soir. Des spectacles, des créations au plateau, des ateliers, des temps de formation, des expositions, des livres, ça n’arrête pas ! Je suis sur les rotules, mais en même temps, j’ai l’impression d’avoir trouvé un espace de formation rêvé. Et puis moi qui faisait une fixation sur ma petite valise indigo…voilà que je me retrouve littéralement entourée de valises, des valises à histoires, des valises à manipuler, des valises à univers marionnettiques. 

C’était aussi mon tout premier festival de Charleville, avec l’équipe du théâtre. Un grand bain dans un monde à part. C’était presque intimidant, et en même temps si riche, émouvant, drôle. En somme, cela me met une bonne claque.

Et puis rapidement…La pandémie nous tombe tous dessus. Le monde entier est à l’arrêt, c’est le premier confinement et le théâtre ferme. Nouvelle période de doutes, est-ce vraiment le moment de se lancer dans une activité en lien avec le spectacle vivant et la médiation ? 

Mon contrat de remplacement arrivant à son terme, je change de poste et débute un nouveau contrat au Centre de recherche en ethnomusicologie. Je profite des périodes inter-confinements pour réaliser quelques stages d’initiation. Un stage de découverte de la marionnette portée avec la grande Natasha Belova, qui crée des marionnettes d’une telle expressivité qu’elles fonctionnent presque toute seule, sans que l’on ait à les manipuler.

Et n’ayant pas la moindre idée de comment on peut bien fabriquer une marionnette, je participe également à un stage de fabrication d’une marionnette sur table, animé par Patricia Gatepaille. Plasticienne, factrice de masque et de marionnette, Patricia est d’une générosité sans borne pour transmettre et nous accompagner. Et mon petit Séraphin “qui a la tête pleine comme une théière” va voir doucement le jour…

En réalité, je mesure à ce moment-là à quel point il est complexe de fabriquer une marionnette et je n’en suis que d’autant plus admirative des constructeurs. Il faut anticiper les mouvements du personnage, faire attention au poids de l’objet, placer les contrôles aux endroits qui conviennent au manipulateur, réfléchir à la posture de celui qui manipule, choisir avec soin le type de matériaux et j’en passe. En bref, une sculpture qui se façonne avec le jeu, la scène.

Dans cette année un peu en demi-teinte, où les confinements s’enchaînent… Je me dis sans trop y croire qu’il faudrait qu’on ait un espace pour jouer, tester le spectacle de L’arbre à souvenirs. Je dis “on” car entre-temps, Berivan, mon acolyte musicienne a rejoint l’aventure et débute ses magnifiques compositions musicales sur le projet.

Entre temps j’oublie que j’ai candidaté à un ou deux festivals “un peu comme ça pour voir”, jusqu’au jour où je reçois une réponse positive du Mima Off, un festival de marionnette contemporaine basé en Ariège. Alors oui… me diriez-vous, c’est super MAIS, vent de panique. Double panique. Triple panique. Rien n’est prêt ! Le texte est à finir, il faut que l’on cale la voix, le jeu et la musique, je dois encore terminer des décors de papier… Sans compter que je n’ai jamais souhaité être la comédienne dans ce projet hein. La médiation oui, jouer non merci.

Oh et puis la logistique… Acheter en catastrophe des rallonges, se poser peut-être à la dernière minute des questions fondamentales du style : “et s’il pleut ?” 

La date approche, bon il faut bien y aller. 

Alors, on a joué six fois dans toutes les situations inimaginables pour du théâtre de papier. Dans l’ordre que vous voulez…du vent, du hard rock provenant du festival In en bruit de fond, un début de pluie, une jauge aléatoire allant de 50 personnes à ….150 personnes (sans micro sinon ça n’est pas drôle)… Et puis, surtout j’oubliais ! Le principe du Mima Off, c’est une graaaande allée où tous les spectacles sont en rang d’oignons, et notre petite valise minimaliste s’est retrouvé coincée entre des scénographies pas possible, en face de nous une marionnette en BULLES DE SAVON (concurrence déloyale ! Rires), et j’en passe.

Et pourtant, c’était une expérience incroyable. Honnêtement, il y avait TOUT à retravailler, mais c’était très touchant d’avoir la réaction du public, leur bienveillance et leur attention.

Enfin voilà, après j’ai continué à tester des choses. Le côté conte et atelier en médiathèque, pour voir ce que cela donne…

Parallèlement, je suis passée en freelance à temps plein pour mes activités en ingénierie documentaire. J’ai ainsi débuté des missions pour le pôle de la recherche de l’Institut International de la Marionnette. Nouvelle plongée dans cet univers fascinant, le tout dans une équipe remarquable, déterminée et créative.

J’ai également commencé à travailler sur la version d’album illustré du projet. Nouveau casse-tête, passer d’une version de conte fait pour l’oralité à un album couché sur papier est un travail…différent. Il faut travailler le rythme des pages, la cohérence des pages les unes par rapport aux autres, l’équilibre texte-image…

Et quelque chose est venu clairement s’imposer à moi. Je faisais quasi tout toute seule, et je ne m’en sortais plus. Comment articuler La Valise indigo avec mon autre activité d’ingénierie documentaire ? Comment déléguer ? On ne fait pas tout “bien” et on dit souvent qu’il faut savoir s’entourer. C’est à ce moment-là que la construction d’un réel organisme davantage structuré à commencé à être nécessaire.

Je me suis tournée alors vers des structures d’accompagnement comme Deuxième Mouvement et Artis qui me sont actuellement d’une aide précieuse et fondamentale.

La talentueuse Julia est venue apporter sa sensibilité et son univers sur le projet de spectacle, Solène est venue apporter son œil pétillant et toute sa créativité pour créer le nouveau site internet, sans compter l’appui familial et amical indispensable…

Et tout cela pour donner enfin naissance à La valise indigo, comme un véritable organisme, porté par un merveilleux bureau : Jérôme, Christophe, Florence et Maud !

Alors en un mot, MERCI. Merci à tous ceux qui ont rendu cette aventure possible, et qui permettent actuellement à ce que la petite valise bleu d’entre deux-nuits puisse continuer à développer ses histoires et son imaginaire coloré.

Article rédigé par Bérénice Primot

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